Catégories
Article Économie Environnement Extra-Muros actualité Monde Politique Société

Janvier 2023 : les actus du collectif Extra-Muros

Rien pour arrêter l’enquête sur Altice

Fin 2022, le site reflets.info, dont le rédacteur en chef Antoine Champagne est membre de notre collectif Extra Muros, a ouvert un nouveau chapitre dans son enquête sur Altice.  Attaqué devant le tribunal de Commerce pour violation du secret des affaires par le groupe de Patrick Drahi qui a obtenu en première instance la censure préalable à toute publication, le journal d’Antoine a initié un pool de médias, avec Blast et StreetPress pour étudier l’énorme masse de documents diffusés en août dernier sur Internet par le groupe de ransomware «Hive ». Les trois titres de la presse indépendante ont publié huit articles (un par heure), le mardi 20 décembre, dont une enquête sur les méthodes qui ont permis à Patrick Drahi de s’enrichir sur le dos du quotidien Libération, pourtant en grande difficulté financière, et une autre sur les sommes colossales engrangées par le patron d’Altice USA alors que le titre de cette entreprise a perdu 88% en quelques années.

Main basse sur l’or bleu en France et corruption à Bruxelles

Il est aussi question de méthodes d’entreprise douteuses dans l’enquête de Maïlys Khider et Timothée de Rauglaudre publiée par le magazine Socialter sur la multinationale Veolia, qui a racheté son concurrent Suez et étend son emprise sur le marché de l’eau. Lobbying, soupçons de corruption, mauvaise gestion… Face aux affaires, de nombreuses villes reprennent la main sur l’or bleu, écrivent nos journalistes.

De son côté, Séverine Charon a enquêté avec Florian Espalieu, un confrère pigiste basé à Grenoble, sur le groupe « Avec », qui cumule les casseroles dans le domaine de la santé et du médico-social. Après deux ans de travail, leurs efforts ont payé puisque l’article publié dans Capital fin décembre a conduit la Justice à s’y intéresser. Le patron du groupe a été interpelé et entendu pour prise illégale d’intérêt et détournement de fonds publics.

Corruption, toujours, mais cette fois des élites du Parlement européen. Peggy Corlin s’est penchée pour Slate.fr sur l’affaire du Qatargate qui secoue Bruxelles. Elle y décrypte les failles qui ont permis à un tel système de corruption de se mettre en place au cœur de la machine européenne. Un article qui fait suite à un autre publié en juin sur la fin de l’ère du lobbying russe à Bruxelles.

Quelles avancées pour limiter notre impact environnemental ?

Un monde en proie aux crises est-il plus corruptible ? Une certitude : il est cerné… D’abord par la crise écologique bien sûr. Notre journaliste spécialiste des questions environnementales, Anne-Claire Poirier, a suivi de près la 27eme conférence des Nations unies sur le climat (COP27). Pour média Vert, elle a montré comment une autre crise, celle de l’énergie, a compliqué les négociations, et aussi soulevé, cette fois pour le magazine Pour l’Eco, la question des enjeux financiers de cette négociation.

Dans le viseur de Peggy Corlin, une autre COP ! La COP19 se tenait en effet à Panama en novembre, réunissant les pays signataires de la Cites – la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Dans une série d’articles publiés par la Lettre du musicien, Peggy raconte le lobbying européen du monde de la musique pour continuer d’utiliser le bois de pernambouc brésilien, indispensable à la fabrication des archets, tout en assurant la préservation de l’espèce.

Sur les questions environnementales encore, la mode a une grande marge de progression devant elle ! Anne-Claire Poirier a mené l’enquête pour l’Éco et rappelle qu’en France, nous consommons 8 kilos d’habits neufs par an par personne.

Alors que le législateur commence à intervenir pour prévenir les atteintes à l’environnement, notre journaliste a aussi pu suivre le premier procès pour manquement à la loi sur le devoir de vigilance des multinationales avec à la barre TotalEnergies et son méga-projet pétrolier Eacop.

Un monde plus sobre… Mais pas pour demain !

Crise climatique, crise énergétique, inflation… Emmanuel Macron a sifflé la fin de la récré ! En tout cas, la fin de l’abondance !

À cette occasion, Socialter consacre un dossier sur le rationnement. Maïlys Khider y signe deux papiers : un sur la situation à Cuba et un autre sur celle du Royaume-Uni durant la Seconde Guerre mondiale. Bref aperçu à Cuba, où, sous blocus étasunien depuis soixante ans, les pénuries sont répétition : l’île rationne le pétrole et la nourriture afin d’assurer le minimum à chacun et, incarnation de cette politique, un carnet d’approvisionnement vise à éviter l’accaparement des denrées par les plus riches et l’explosion d’un marché noir déjà bien développé.

Pour faire face à l’inflation, les Américains, eux, ont annoncé une méga-plan de subventions de leur industrie verte. Une bonne nouvelle pour le 2ème plus gros pollueur de la planète. Mais dans un monde encore globalisé, les Européens voient leur propre industrie concurrencée de manière déloyale. La riposte sur laquelle ils planchent vient bousculer les fondamentaux libéraux de l’UE, nous raconte Peggy Corlin dans Slate.

La fin de l’abondance ne touche décidément pas tout le monde… Dans le mensuel Capital, Frédéric Brillet enquête sur les grands chantiers jugés inutiles, coûteux, sans fin. Signe que les multi-crises que nous vivons n’ont pas encore provoqué les changements tant attendus.

Ce ne sont pas les anciens ministres d’Emmanuel Macron qui ont tous ou presque échoué aux dernières législatives qui diront le contraire. A commencer par Christophe Castaner, nommé à la tête d’ATMB et bientôt SFTRF. Quels seront ses avantages, sa rémunération ? Stéphanie Fontaine a épluché les comptes et les statuts des deux concessionnaires d’autoroutes pour Caradisiac pour le savoir.

Dans Le Canard enchaîné, Isabelle Souquet revient quant à elle sur le cas de Madeleine Dubois, ancienne lobbyiste de choc de Servier, promue au grade d’officier de la légion d’honneur dans la promotion du jour de l’an (et à la veille du procès Mediator) ! Isabelle que l’on a pu retrouver sinon durant toute cette période de fin d’année sur France Inter pour les revues de presse.

Mais le changement, c’est pour quand alors ? Marjolaine Koch a justement interviewé pour La Lettre du cadre la géographe Magali Reghezza sur nos capacités à réagir à la suite d’une catastrophe. Pour sa thèse, elle s’était penchée sur la crue centennale de Paris et avait déduit que nous avions besoin d’une crise pour adopter de nouveaux comportements ou de nouvelles normes. Or selon elle, la crise climatique, qui est une succession de micro-crises, ne permet pas cet effet électrochoc. D’où notre passivité…

Point d’optimisme quand même pour l’ancien député René Dosière, interviewé par Stéphanie Fontaine dans la revue politique du Trombinoscope. A l’entendre, « la France n’a jamais eu des élus aussi honnêtes que maintenant » !

Acteurs de la lutte sociale

Face aux politiques publiques qui malmènent, certains optent pour l’action collective. Maïlys Khider est ainsi partie en reportage pour Le Média à la manifestation des travailleurs du secteur médico-social, qui dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail et demandent une hausse de leurs salaires et une plus grande reconnaissance. Judith Chetrit a écrit, quant à elle, le portrait de Marie Buisson qui pourrait être la première femme à occuper le poste de secrétaire générale de la CGT à l’issue du congrès du syndicat fin mars prochain. Marie Buisson parlait pour la première fois à un média.

Timothée de Rauglaudre s’est penché quant à lui sur des acteurs singuliers de la lutte sociale dans son ouvrage « Les Moissonneurs : au cœur de la théologie de la libération », paru aux éditions de l’Escargot. Cette enquête nous mène des rues de São Paulo aux montagnes du Chiapas, en passant par le parcours du pape François lui-même, pour raconter ce courant chrétien latino-américain anticapitaliste. Il en parle dans Marianne, sur Radio Notre-Dame, RCF, Reflets, Le Média et France Culture.

Religion aussi dans l’interview de l’enseignant-chercheur Hugo Gaillard menée par Frederic Brillet pour Entreprise&Carrières. Frédéric l’a interrogé sur la gestion du fait religieux sur le lieu de travail.

Tisser des liens dans un monde en crise

Dans un monde en mouvement, les liens se font et se défont. Séverine Charon a publié dans la lettre hebdomadaire de Témoignage Chrétien une mini-série intitulée « Douce France » qui décortique trois « nostalgies » souvent utilisées dans les discours politiques. Elle s’est d’abord penchée sur la disparition de la ferme familiale, une perspective qui effraie, alors que nous sommes nombreux à nous sentir en lien familial avec le monde rural. Elle s’est ensuite interrogée sur la disparition de nos médecins de famille, avant de chercher à savoir si l’essor des travailleurs des plateformes risque de faire disparaître le salariat.

Le lien à nos aînés est un autre sujet sur lequel s’est penché Maïlys Khider à travers le traitement des personnes âgées à Cuba, et l’ouvrage « Vieillir à Cuba » (IHEAL, 2022) de la sociologue Blandine Destremau, pour le site Le Vent se Lève. La chercheuse y fait des personnes âgées les témoins de la Révolution cubaine et des transformations sociales du pays ces soixante dernières années. Et en miroir, sans manichéisme, elle conduit à réfléchir à la condition des retraités dans les pays occidentaux.

Les jeunes générations n’ont pas moins besoin d’accompagnement. C’est la mission de la plateforme d’orientation Parcoursup, ouverte mi-décembre, toujours décriée, mais qui doit permettre aux jeunes de s’orienter dans l’enseignement supérieur. Son nouveau lancement accompagne le retour des articles dédiés à l’enseignement supérieur dans la presse généraliste. Et ce mois-ci Sandrine Chesnel signe notamment le dossier spécial « Grandes écoles » paru dans L’Obs, en kiosque et en ligne.

De leurs côtés, les artistes réunissent habitants et territoires autour de leurs œuvres à Clichy-sous-Bois… Frédéric Brillet signe dans Témoignage Chrétien un reportage sur les Ateliers Médicis, un nouvel établissement culturel ouvert à toutes les disciplines et chargé d’accueillir en résidence des artistes de tous horizons, pour favoriser les rencontres avec les habitants, accompagner l’émergence de talents et soutenir la création d’œuvres en lien avec le territoire.

Des drames de la grande histoire aux escrocs de la petite histoire

La fin 2022 a aussi été l’occasion pour les journalistes de notre collectif de mettre un pied dans la grande Histoire en revenant sur des événements méconnus de la Seconde Guerre mondiale. Pour Affaires Sensibles, Judith Chetrit relate ainsi la « rafle des notables » du 12 décembre 1941, lorsque 743 Juifs français furent déportés au camp de Compiègne-Royallieu. Elle se plonge aussi dans l’histoire édifiante du masseur de Himmler, Félix Kersten, qui a pu sauver des milliers de personnes par le seul pouvoir de ses mains – et de sa force de persuasion auprès du chef nazi. Kersten est aussi le personnage central du livre « Les mains du miracle » de Joseph Kessel.

Pour Affaires Sensibles toujours, Marjolaine Koch a quant à elle écrit le récit de la vie de Bruno Sulak, truand des années 80 qui a dévalisé des dizaines de supermarchés et bijouteries sans jamais tirer un coup de feu. Non-violent, il avait établi ses propres règles. Et comme il ne supportait pas l’enfermement, il est parvenu à s’enfuir de prison à plusieurs reprises… sauf la dernière, qui lui a été fatale.

Question d’escroc aussi dans l’émission « Au bout de l’enquête » sur France 2, réalisée par Eloïse Fagard et consacrée à une sombre affaire d’escroquerie à l’assurance. « L’affaire Dandonneau » est une intrigue glaçante digne des pires polars. L’enquête menée par les gendarmes de Montpellier il y a près de 40 ans a permis de retrouver un mort qui n’était en fait… pas mort !

Catégories
Uncategorized

Barkley Marathons: l’enfer des 40

Extrait de l’article paru dans le magazine Society #4


– « Comment te sens-tu ? » lui demande Laz, l’organisateur de la Barkley Marathons, une course à pied longue de 100 miles dans les forêts du Tennessee, inspirée de l’évasion en 1977 de James Earl Ray de la prison de Brushy Mountain.

– « Crevé, lui rétorque Matt Bixley, 42 ans, originaire de Dunedin en Nouvelle-Zélande. La course est si dure bordel ! »

– « Non, tu as l’air bien », lui répond-il.

Les rescapés du deuxième tour arrivent au compte-gouttes au campement. 40 coureurs au départ, puis 16… ils ne sont maintenant plus que 6 à s’élancer pour une troisième boucle, après 24 heures de course. Affalé sur une chaise, Matt, les jambes salement écorchées par les ronces et les pieds gonflés par des ampoules, s’accorde une heure de pause avant de repartir : café noir, soupe de nouilles chaude, oranges, bananes, barres de céréales. Lui et les cinq autres font résolument penser aux personnages de Marche ou crève, le roman de Stephen King. Obligés de marcher sans interruption jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un – les battus sont froidement exécutés, les survivants de la Barkley traversent eux-aussi des phases de doutes, de désespoir, de souffrance physique et mentale, de désir d’abandon, de solitude, de folie parfois. « C’est le prix à payer pour se prouver qu’ils sont capables d’aller au-delà des limites de leurs corps », estime Laz.

Si vous êtes donc si forts que ça Matt Bixley, Johan Steene, Jamil Coury, John Kelly, Toshi Hosaka et Dale Holdaway, ne vous arrêtez pas, marchez ou alors crevez ! Oubliez les crampes, les courbatures, les coups de barre, les coups de blues. Oubliez l’ennui de tourner en rond au milieu de ces collines. D’accord il pleut, il vente, il fait – 5°C la nuit et 20°C la journée, le parcours très vallonné est aussi long que quatre marathons. Et alors ? Voulez-vous être ce 15e (sur)homme à finir les 100 miles de la Barkley ?

En tête de la course, Jamil, 30 ans de Phoenix (Arizona), et John, 30 ans de Rockville (Maryland), rêvent de le devenir et montrent une détermination à toute épreuve. Dans les pas l’un de l’autre, ils s’attaquent à la montée infernale menant au sommet de la Fire Tower (1013 m). Le premier nous sourit ; l’autre pas. La pente de quatre kilomètres, brute, escarpée, glissante, ne pardonne aucun écart. Bâtons en main, ils grimpent d’une bonne foulée, régulière et symétrique, bustes en avant, évitant ronces et racines, enjambant branches et souches mortes tombées au sol depuis qu’une partie de la colline fut rasée pour y planter des poteaux électriques. Parfois, ils s’agrippent à la force des bras à des câbles métalliques laissés-là pour franchir les passages les plus difficiles. Jamais jusqu’au sommet, atteint en plus d’une heure, ils ne s’arrêteront. Arrivés en haut bien plus tard, nous attendîmes les quatre autres. On ne vit que Johan, le Suédois. Visage émacié, bouche sèche, gestes lents, jambes raides, son supplice dure depuis maintenant 75 km et 30 heures de course. Et dire qu’il n’en est qu’à la moitié de l’épreuve.


« A chaque fois qu’un coureur finit la Barkley, je suis comblé et honoré de serrer la main de quelqu’un capable de faire quelque chose d’aussi fou. » Laz, lundi 30 mars. Ce matin-là, tu avais encore l’espoir que la course se termine par le sacre d’un 15e vainqueur. Désolé de te décevoir Laz, mais aucun des six concurrents encore en lice en ce dernier jour de course ne te comblera cette année. Ni Johan arrivé hors délai, ni Matt victime d’un malaise, ni John, ni Toshi, ni Dale ne poursuivront l’aventure. Trop dure, trop longue, trop « vidés ». Seul Jamil, parti en pleine nuit pour une quatrième boucle, t’aura laissé imaginer une fin heureuse. Mais à 11h23 ce lundi, ne le voyant pas rentrer au campement dans les temps impartis pour effectuer le cinquième et dernier tour, tu as été obligé de reconnaître : « La Barkley a gagné ! » Tu as attendu Jamil. Il rentra finalement au coucher du soleil après 80 miles parcourus en 57 heures. Epuisé et éliminé. Au clairon, tu lui as joué la sonnerie aux morts et tu lui as dit : « Bravo. On est content de te revoir. » 

Catégories
Culture et Vie Pratique

Les grandes vacances de Jésus

Depuis 2001, le Christ s’arrête à Orlando, en Floride, où un parc d’attractions présente sa vision kitsch de la Bible. Chaque jour ouvrable, à 15 heures pétantes, Jésus entame son chemin de croix. Jusqu’à sa crucifixion qui est –si l’on peut dire– le clou du spectacle.

A lire dans Géo voyages